fatalité ou chance

Publié le par Sebastien Lecoeur

La perte de son emploi est souvent une catastrophe pour la personne qui la subie. Je me souviens de la colère et de l'abattement qui m'ont envahi lorsque j'ai appris cette nouvelle.

Nous étions en février 2014, j’étais alors délégué du personnel, et quand le DRH m'a appelé à 17h30 pour me dire qu'il voulait voir l'ensemble des élus du CE le lendemain matin à 8h30 (alors que nous commencions le travail à 9h), je me suis dit que quelque chose ne tournait pas rond. Le lendemain matin, il nous annonçait que le groupe pour lequel je travaillais, allait annoncer par email, le licenciement de l'ensemble du service comptable, car les dits services devaient être délocalisés en Lithuanie...

Quel coup de massue, pour moi, mais aussi pour l'ensemble de mes collègues. Quand je retournais à mon bureau, je n'avais pas de mot. Qu'allais je devenir avec ma maison à payer, mes enfants à nourrir, tout un morceau de ma vie allait disparaître à la suite de cette réunion. Qu'allais je dire à ma femme le soir en rentrant chez moi ?

Il m'a fallu quelques jours pour évacuer ma colère, et à me demander ce que nous allions devenir... Puis, avec ma femme, nous avons ressorti un vieux projet, celui d'aller s'installer en bord de mer.

Tout s'est alors enchaîné comme si la vie nous donnais un véritable coup de pouce. Tout d'abord, il s'est écoulé presqu'un an entre le moment ou on m'a annoncé mon licenciement, et la date effective de celui ci, je ne dis pas qu'il a toujours été facile pour moi de me rendre chaque matin au bureau tout en sachant que l'entreprise à laquelle j'avais consacré 12 ans de ma vie ne voulait plus de moi. Ensuite comme un autre signe du destin, ma femme perdait elle aussi son emploi en juillet 2014. A y regarder de plus près, je crois que c'est à ce moment là que nous avons largué les amarres... Nous avons commencé à parler de notre projet avec un voisin, et celui ci nous annonçait dans cette conversation "si vous vendez votre maison, dites le moi, je suis intéressé".

Pendant les 6 mois qui ont suivi mon licenciement effectif, je suis resté chez moi à me recentrer sur moi même, à me poser la question de ce qui était important pour moi, à profiter de mes enfants, à retrouver de bons moments avec ma femme, puis au mois de juin ma femme est parti de l’Isère pour aller dans le sud chercher du travail. Les six mois que nous avions passé à préparer notre projet nous avaient apporter une certitude, même si elle me dérange, qui était la suivante : même si nous savions où nous voulions aller, il fallait avoir un emploi. Elle est revenue une semaine après avec un emploi en poche. De mon coté je répondais presque par hasard à une seule annonce et décrochais un entretien et le lendemain, la société me rappelais pour me confirmer mon embauche.

Tout cet enchaînement d’événements entre l'annonce de mon licenciement jusqu'à notre départ dans le sud pourrait apparaître comme de sacré coup de chance... Peut être est ce le cas, mais quand même, tout ceci est assez troublant. Je crois surtout que depuis des années, les différents signes que la vie nous envoyait, pour nous dire "allez y partez, mettez en place votre projet" sont restés lettre morte. Alors la vie a pris des mesures de plus en plus virulentes jusqu’à nous bottez le derrière.

Lorsque nous perdons un emploi, les codes qu'on nous a inculqué nous disent que nous perdons une partie de notre vie. La raison en est simple : nous sommes d'abord une profession avant d'être soi même, il n'y a qu'a voir la première question qu'on nous pose quand nous discutons avec quelqu'un que nous venons de rencontrer (que ce soit votre coiffeur, ou un ami d'un ami dans une soirée) qui est "qu'est ce que tu fais comme boulot". Nous endossons donc ce rôle quotidiennement pendant 8 heures par jour et nous le supportons le reste du temps. personne ne vous demande jamais, de prime abord, quelles sont vos passions, est ce que vous aimez voyager, quelles activités sportives vous pratiquez... Bref personne ne vous demande réellement qui vous êtes. Si personne ne vous le demande c'est peut être parce que c'est à vous de vous le demander. Vous ne perdez pas votre âme parce que vous perdez votre emploi, vous perdez un rôle que vous avez tenu pendant des années ce rôle vous a pris tellement de temps que vous avez oublié le reste, ce qui compose ce que vous êtes vraiment. Certes la perte de son emploi est effrayante, les médias ne sont d'ailleurs pas là pour nous rassurer, mais n'est ce pas le moment de se poser, de réfléchir, de se projeter vers quelque chose de nouveau, qui nous tient à cœur depuis longtemps. Le moment de répondre à la question "la vie m'a t elle ôté mon emploi pour que je me morfonde sur mon triste sort ou pour me permettre d'explorer de nouveaux horizons qu'ils soient géographiques, professionnelles ou les deux". Le moment de se rendre compte que la perte d'emploi est peut être une chance pas une fatalité.

Publié dans emploi, redevenir soi même

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